Ingénieur WAE Group procédant au test d'une carte électronique que l'on voit en gros plan

Frédéric Fabre : « Il faut miser sur l'alliance des startups et PME industrielles ! »

Quelle est la situation générale sur le marché des semi-conducteurs ?

Frédéric Fabre : « Sur le plan macro-économique, il y a deux visions divergentes du marché et de son évolution.

    • D'un côté, certains gros fabricants de puces et microprocesseurs prédisent une pénurie jusqu'à la fin de l'année 2023…
    • D'autres constatent une baisse de la demande, après le pic post-Covid qui n'est pas encore totalement absorbé, et anticipent une réduction de leur production pour éviter d'avoir trop de stock…

Il est difficile de faire la part des choses selon la disparité des situations. D'autant qu'il peut aussi être tentant de réduire sa production pour maintenir un niveau de prix élevé. »

Quel est l'impact pour WAE Group en cette fin d'année 2022 ?

Frédéric Fabre : « En 2022, cela a été compliqué à tous les niveaux ! Nous avons eu des projets de bancs de test, bloqués parfois pendant plusieurs mois parce qu'il manquait un composant. Ou bien, c'était notre client qui avait un problème de rupture d'approvisionnement de son côté… et il ne disposait pas du produit à tester! Heureusement, la situation commence à se détendre.

L'autre point tient au fait que certains fournisseurs peuvent être tentés de profiter de l'inflation pour justifier une augmentation, parfois plus ou moins justifiée, de leurs tarifs. Ilfaut rester vigilant… c'est le rôle stratégique de nos acheteurs au sein de WAE Group et des entreprises qui le composent : CAO CONCEPT, QUASAR CONCEPT et SERETEC.

Nous avons cette capacité à sourcer les composants. Cela nous a permis de prévenir toute catastrophe en 2022 grâce à notre réseau, notre savoir-faire et aussi notre agilité pour trouver la solution quand il semble ne pas en avoir ! »

La réindustrialisation est un enjeu européen pour rivaliser avec les Etats-Unis et l'Asie

Portrait de Frédéric FabreDans ce contexte, quel regard portez-vous sur le débat autour de la réindustrialisation et souveraineté industrielle ?

Frédéric Fabre : « Une partie de la réponse est dans le plan européen porté par le commissaire Thierry Breton. Il est indispensable mais pas suffisant. Sur la question spécifique des semi-conducteurs, les Etats-Unis engagent 52 milliards de dollars, Micron va investir 100 milliards sur dix ans à partir de 2024 et Taiwan met 200 milliards sur la table… nous ne jouons pas dans la même cour ! Il ne faut également pas perdre de vue que le 1er pays producteur mondial de silice (70%) est la Chine. »

 

Pour une PME industrielle comme WAE Group, quel est l'impact de la crise de l'énergie ?

Frédéric Fabre : « WAE Group et ses composantes ne sont pas de forts consommateurs d'énergie. Sur ce plan, nous allons être impacté à la marge. Il n'y a pas de menace sur la délocalisation de la production. Sur le site de QUASAR CONCEPT à Avrillé, par exemple, notre première dépense… c'est l'éclairage. Dans toute crise, il y a des opportunités. Nous avions encore beaucoup trop de néons, notamment dans les ateliers. Après une étude de re-lamping, nous basculons en 100% Leds. Nous allons réaliser une économie de 66% ! Et nous allons chauffer un peu moins pour suivre les préconisations du gouvernement. Les conséquences sinon vont être indirectes avec de nouvelles hausses probables sur nos matières premières. »

Nous devons nous engager sur la voie de l'éco-conception industrielle et privilégier les circuits courts d'approvisionnement

Quel est votre regard d'industriel sur les enjeux environnementaux à l'horizon 2050 ?

Frédéric Fabre : « Le premier constat, immédiat… c'est qu'il reste un long chemin à parcourir. Dans le secteur de l'électronique, la vision est mondiale. Quand nous achetons un composant, il est difficile de connaître avec précision son impact CO2 en raison de sa fabrication… en Asie. Comment agir avec efficacité sans information, traçabilité et référentiel partagé, à l'échelle des industriels de la planète, entre tel composant et tel autre pour choisir celui qui garantit un impact le plus faible ?

Nous pouvons déterminer une moyenne d'émission carbone pour la fabrication d'une puce… mais cela restera une moyenne indicative.

Pour agir sans tarder, à notre niveau… la voie sur laquelle nous devons nous engager est celle de l'éco-conception et des circuits d'approvisionnements qui soient les plus courts possibles. Notre objectif aujourd'hui est de commencer à mettre en œuvre cette démarche. Pour réussir, il faut une volonté conjointe du client. S'il est seulement dans une logique d'optimisation des coûts, cela sera compliqué. La prise en compte des critères extra-financiers, dans le cadre des objectifs de développement durable (ODD) est une incitation… A chacun de prendre ses responsabilités, entre les donneurs d'ordre et les prestataires industriels.

Nous pouvons également travailler sur les écosystèmes de production, comme nous l'avons fait avec NatéoSanté, entreprise basée en Loire-Atlantique, pour la production de ses purificateurs d'air professionnels EOLIS Air Manager. »

Quels sont les atouts de WAE Group pour passer cette période et en sortir plus fort ?

Frédéric Fabre : « Tout d'abord, nous l'avons déjà évoqué, notre réactivité et notre flexibilité. Ensuite, le fait que WAE Group soit présent sur des secteurs très diversifiés : cela limite son risque. Enfin sa souplesse de PME industrielle, sa polyvalence et l'ensemble de ses compétences en interne lui permettent de se repositionner très vite d'un secteur moins porteur vers un secteur plus porteur, selon la conjoncture. C'est l'avantage d'une organisation encore légère. »

Vers une alliance win/win des startups industrielles et PME industrielles pour gagner du temps !

Vous l'avez abordé précédemment, la délocalisation n'est pas un risque pour WAE Group…

Frédéric Fabre : « Au contraire, puisque nous nous positionnons comme un acteur de la relocalisation quand les projets l'autorisent. Le risque de délocalisation toucherait plutôt un fabricant de cartes électroniques (CAO CONCEPT, implanté à Angers, notre entité spécialisée dans ce domaine fait d'abord du design, placement et routage de cartes électroniques, du prototypage et sur demande de la fabrication en petite voire moyenne série) en France mais disposant d'un site à l'étranger où les coûts seraient plus faibles. »

Les startups industrielles ont le vent en poupe, vous dirigez une PME industrielle… comment voyez-vous cette évolution récente ?

Frédéric Fabre : « Ce qui me gêne un peu… c'est que l'on oublie qu'il existe en France un tissu industriel performant ! Si ces startups s'appuyaient sur les PME pour les faire croître, et inversement, nous aurions peut-être une alliance gagnant/gagnant tant pour les entreprises, l'emploi… que l'économie du pays. Les industriels pourraient accompagner les startups en mettant leurs compétences à disposition. Les startups gagneraient du temps sur leur phase de développement. Et une fois en phase d'industrialisation, elles reviendraient vers nous pour que l'on produise puisque nos ateliers et nos usines existent déjà. Aucun besoin de les construire. Au sein de WAE Group, nous sommes ainsi engagés sur cette voie avec le projet Agri Connect dont nous sommes le partenaire R&D. »


Visuel French Tech Next 40 et Next 120 pour l'appel à candidatures 2023

French Tech Next 40 et 120 : les candidatures 2023 ouvertes avec des obligations d'impact plus fortes

S'engager en faveur de la transition écologique, de la parité et de l'inclusion sociale : ce sont les trois conditions supplémentaires posées par l'Etat, en complément des critères économiques (dont le montant des levées de fonds) également revus à la hausse, au moment de lancer l'appel à candidatures 2023 pour briguer le label Next 40 et Next 120.

Ce programme d’accompagnement, porté par la mission French Tech nationale, est « dédié aux startups françaises les plus performantes afin de les accompagner dans leur trajectoire pour devenir des leaders technologiques de rang mondial ». Soit des Licornes potentielles quand la valorisation dépasse le milliard de dollars. Au 1er septembre 2022, il y en avait vingt-deux dans l'Hexagone.

Une nouvelle décennie entre performance économique, écologique et sociétale

Les jalons sont fixés par la communication officielle : « L’objectif du French Tech Next40/120 est de soutenir le développement de ces nouveaux acteurs technologiques qui répondent aux grands enjeux de société : proposer des solutions pour la transition écologique, pour la santé des citoyens, pour la mobilité, pour moderniser le tissu des PME et ETI, etc… […] La sélection, sur des critères financiers de levée de fonds ou d’hyper-croissance du chiffre d’affaires, est ouverte à tous les modèles de startup (numérique, deeptech, industrielles) et à tous les secteurs d’activité. […] Cette promotion 2023 du French Tech Next40/120 incarnera la nouvelle décennie qui s’ouvre pour la French Tech, associant une ambition intacte de réussite économique, avec un élargissement de la notion de performance, toujours économique, mais aussi écologique et sociétale

Ne devient pas Licorne qui veut ! Pour intégrer le French Tech 120 (le niveau 40 correspondant aux 40 premières startups et le niveau 120 à peu près aux 80 suivantes), deux paliers de critères économiques s’appliquent :

  • Levées de fonds avoir levé, entre 2020 et 2022, au moins 40 millions d’euros avec une « sélection [qui] se fera par ordre décroissant des levées de fonds, à hauteur des 40 places disponibles » ;
  • Hyper-croissance : avoir réalisé un CA d’au moins 10 millions d’euros lors du dernier exercice fiscal clôturé et avoir réalisé une croissance moyenne d’au moins 25 % lors des trois derniers exercices clôturés. « Après avoir listé les entreprises répondant à ces critères, la sélection des 40 entreprises admises sur ce critère se fera par ordre décroissant de chiffre d’affaires. »

Enfin, à l'instar des éditions précédentes, pour éviter une ultra-concentration des lauréats en région parisienne, « un critère régional sera intégré à la sélection en 2023 afin d’assurer la présence au sein du classement d’au moins 2 entreprises de chaque région hexagonale et d’au moins 2 entreprises issues des régions et territoires d’Outre-mer ».

En complément de ces fourches caudines exigeantes à franchir, la prochaine promotion devra être vertueuse en matière de RSE. Les entreprises retenues devront s'engager en faveur de :

  • « La transition écologique avec la réalisation d’un bilan carbone « scope 1, 2 et 3 » d’ici la fin de l’année 2023 ;
  • La parité en transmettant à la Mission French Tech le résultat de son index d’égalité Femmes/Hommes associé à des propositions d’actions pour l’améliorer ;
  • L'inclusion à travers l’entame d’un travail collectif impulsé et animé par la Mission French Tech sur ces enjeux dans le courant du 1er semestre 2023, qui commencera par un diagnostic demandé dans le cadre de l’appel à candidatures ouvert ce jour sur les enjeux d’impact. »